Perdido Street Station, nominé et récipiendaire de nombreux prix, est un roman appartenant au tout nouveau genre du New Weird, dont China Miéville est l’un des pionniers. Le genre peut se définir comme « a type of urban, secondary-world fiction that subverts the romanticized ideas about place found in traditional fantasy, largely by choosing realistic, complex real-world models as the jumping-off point for creation of settings that may combine elements of both science fiction and fantasy ». Pour vous donner une idée, c’est une sorte de mélange entre fantasy et science-fiction, où les codes de ces genres sont subvertis, avec un focus sociologique puisque les auteur(e)s s’inspirent de modèles réels et complexes. C’est le mieux que je puisse faire pour décrire le genre de roman qu’est Perdido Street Station. Il faut le lire pour le comprendre et je ne peux que vous le recommander chaudement.


Tome 1
Mise en place de l’univers
Le premier tome est une introduction à l’univers de Bas-Lag, et plus particulièrement à la cité de Nouvelle-Crobuzon. On découvre une ville belle de loin, salle dans ses recoins, surmontée de chemins de fer aux allures de toile d’araignée.
Ils se laissèrent porter en direction du nord, vers la gare de Perdido. Ils tournaient lentement, revigorés par cette présence urbaine massive, profane, en dessous d’eux, par ce lieu fécond, grouillant, tel qu’aucun de leurs semblables n’en avait jamais connu jusque là. Partout, le moindre secteur – ponts obscurs, hôtels particuliers vieux de cinq siècles, bazars tortueux, entrepôts de béton, tours, péniches d’habitation, taudis répugnants et parcs au cordeau – grouillait de nourriture. C’était une jungle dépourvue de prédateurs. Un terrain de chasse.
On nous présente un lieu de refuge pour une foule bigarrée d’espèces que l’auteur, à notre plus grande joie, ne se contente pas simplement d’évoquer. Il nous fait part de leurs caractéristiques physiques, psychologiques, de leurs mœurs et de leurs autres particularités. Il y a les garudas, des hommes-oiseaux situés principalement dans le Cymek; les vodyanoi, des amphibies capables de manipuler l’eau, de la rendre solide; les khépri, mi-humain mi-scarabée; les Recréés, des êtres à l’anatomie modifiée thaumaturgiquement; etc.
Comme vous pouvez constater, l’univers dépeint par Miéville est incroyablement riche. Toutefois, ce n’est pas fait d’une manière qui soit lourde, rebutante : le lecteur ne ressent pas l’envie de « sauter » quelques paragraphes de description ici et là. Le tout est bien incorporé au récit.
Installation de l’intrigue
Ce premier tome met doucement en place les éléments de l’intrigue. On lit certains passages, toujours intéressé, en se demandant ce que telle chose ou tel protagoniste aura comme répercussion dans un futur proche. On fait lentement la connaissance des terribles créatures qui feront les cauchemars du second tome : les gorgones.
Pas un roman d’action
Bien que le livre ne soit pas une affaire de suspense haletant ou une suite de scènes d’action frénétiques, il est tout sauf ennuyant. L’univers qui y est décrit est si développé qu’on ne peut qu’être happé par ce récit tout en détails, atmosphères et décors, lesquels sont servis par une écriture onirique sans être pompeuse.
Si vous n’aimez pas les descriptions trop élaborées, il est probable que vous appréciez moyennement cette entrée en matière qui prend son temps. Les amateurs d’action non-stop lui préféreront le tome 2.
Tome 2
Dans le vif de l’action
Le second tome, sans sacrifier son souci du détail, délaisse le rythme plus lent du tome 1 pour entrer dans le vif du sujet. Ce bouquin relate ni plus ni moins que les déboires des personnages principaux, enchaînant action, rencontres et révélations tout du long.
En termes de rencontres, les plus marquantes sont celles de la Fileuse et du Concile Artefact, deux « protagonistes » fascinants, étranges, qui auront un rôle majeur à jouer dans cette histoire.
Évolution des personnages

En ce qui concerne les personnages, quelques agréables surprises et quelques déceptions. Par exemple, j’aurais aimé que Lin prenne un rôle plus important. Par contre, j’ai été ravie que Lemuel Pigeon prenne un peu plus de place.
Derkhan, mise de l’avant ici, a commencé à me tomber sur les nerfs très vite. Isaac, lui, est toujours pertinent, même s’il est plus attachant en scientifique joufflu et lunatique dans la première partie. Quant à Yagharek, il y a des moments où il ne sert tellement à rien qu’on se dit que le roman ne serait pas plus mal sans lui. Pourtant, juste pour le final, on se dit que c’est bien qu’il ait été là malgré son statisme.
Une fin douce-amère
Parlant de la fin, elle est tout simplement magnifique dans sa tristesse, sa cruauté et sa crédibilité. Pour une fois, on n’a pas droit à un happy end arrangé. Si on réussit ici à vaincre les méchants, ce n’est pas sans en payer le prix de plusieurs vies (au sens strict comme au sens large) et le livre se termine sur une note amère pour les héros.
Une perle en termes de world-building
Certains l’auront peut-être remarqué, malgré une inclination favorable pour l’ensemble de l’œuvre, j’ai une préférence indubitable pour le premier tome, notamment parce qu’il se concentre davantage sur l’univers et que le world-building est ce que je préfère en SFF. Cependant, les deux tomes réunis de Perdido Street Station forment un excellent roman – une perle dans le genre et l’un de mes romans favoris – avec un univers riche et des créatures inédites.
Un livre qui est dans ma Wishlist depuis 2-3 ans et je n’ai jamais trouvé le livre (en intégrale en tout cas). Ton billet me donne encore plus envie de me le procurer ^^ Du coup, je crois que je vais devoir passer commande quelque part. Pour 2019 je l’aurai. Merci pour ce retour de lecture enthousiasmant ^^
Je souhaite faire découvrir China Miéville et sa série de Bas-Lag au plus grand nombre de gens possibles! Contente que le roman soit remonté en haut de ta Wishlist! Tu me diras ce que tu en penses quand tu l’auras lu, j’adorerais en discuter avec quelqu’un.