DUFOUR, Catherine, Merlin l’ange chanteur, Aix-en-Provence, Nestivequen, coll. « Fractales Fantasy », 2003, 256 p. vis lecture sur lilitherature.com,

Avis lecture : Merlin l’ange chanteur (Quand les Dieux buvaient, 3), Catherine Dufour

Merlin l’ange chanteur, troisième tome de la série Quand les dieux buvaient de l’autrice française Catherine Dufour, ou première partie du second ouvrage de la réédition chez Le Livre de Poche, suit les pérégrinations à travers le temps de l’Archange Merlin et de l’Angelot, son compagnon de fortune.

De l’excellence au chef-d’œuvre

De Blanche-Neige et les lance-missiles [avis lecture] à L’ivresse des providers [avis lecture], on pouvait déjà noter un net progrès dans le traitement alors que Catherine Dufour gagnait en expérience, si bien que je ne croyais pas l’auteure capable de réitérer l’exploit. Mais elle l’a fait, faisant même de Merlin l’ange chanteur le meilleur titre de la saga, et de loin (ce que je peux affirmer parce que j’ai déjà lu le tome 0, L’immortalité moins six minutes [avis lecture]). En effet, Catherine Dufour se débarrasse de tous les petits défauts qu’on pouvait trouver dans ces œuvres précédentes.

Un humour aussi noir que l’histoire humaine

D’abord, les lourdeurs imputables à un humour quelque peu « pipi-caca » sont complètement éliminées, ce qui me surprend très agréablement. Ici, Dufour délaisse l’humour absurde pour un humour noir, si juste et si cinglant que je dois prévenir qu’il ne plaira peut-être pas à tous. Ce roman est une critique acerbe de la stupidité humaine, ce qui lui donne un dessein beaucoup plus « identifiable » que ces prédécesseurs. À travers une revue historique aussi délirante qu’impitoyable, l’auteure dresse un portrait pessimiste de l’humanité, le tout à travers des thèmes comme la guerre, la Foi et la désillusion.

Merlin et l’Angelot, les deux côtés de la médaille

Cette vision défaitiste, principalement incarnée par le personnage de l’Archange Merlin, est néanmoins nuancée par l’espoir persistant de l’Angelot, toujours déchiré entre deux. Ainsi, plutôt que de s’intéresser à une panoplie de protagonistes comme dans les précédents tomes, Catherine Dufour choisit ici de concentrer son récit sur deux « héros » (un troisième personnage, soit la fée Calmebloc, aura droit à son heure de gloire), ce qui lui permet de décrire avec d’autant plus de finesse des personnalités terriblement torturées.

Cette orientation lui permet également de créer un lien particulier entre les deux personnages principaux. Du fait de leur esprit tourmenté et de la disparition de leurs semblables, les deux anges établissent une relation malsaine entre solitude et haine, qui évolue au fil de l’histoire, et qui est amenée avec une belle subtilité. De même, la relation d’amour/haine entre Merlin et Calmebloc, abordée brièvement, mais avec justesse, est traitée avec le même savoir-faire.

Un récit qui n’a que des points forts

Enfin, l’ensemble de ces éléments (un humour noir justifié, un but tangible au roman, des personnages plus profonds, des relations complexes), en plus des points forts déjà notables dans Blanche-Neige et les lance-missiles et L’ivresse des providers (une écriture lyrique et foisonnante, l’incorporation de multiples références, une imagination débridée), contribuent à l’élaboration d’une histoire beaucoup plus cohérente (car moins éparpillée « à travers » les protagonistes) et touchante dans sa fatalité terriblement humaine. Après tout, les anges de ce récit n’ont qu’un seul objectif: survivre.

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