Avec le bilan annuel de lecture vient la révélation du meilleur comme du pire : voici le top 5 des livres que j’ai lus en 2018: Le Sentiment du fer (Les moutons électriques, 2015) de Jean-Philippe Jaworski ; Ce qui restera (Québec Amérique, 2017) de Catherine Mavrikakis ; Chrysanthe 1: La Princesse perdue (Alire, 2018) d'Yves Meynard ; Fashionably Tales (Le Quartanier, 2007) de Marc-Antoine K. Phaneuf ; et Le théâtre de Dieu (Leméac Éditeur, 2018) de France Théoret.

Top 5: Le meilleur de mes lectures 2018

Avec le bilan annuel de lecture vient la révélation du meilleur comme du pire : voici le top 5 des livres que j’ai lus en 2018. Mais avant d’aller plus loin, trois choses :

  1. Les livres sur cette liste ne sont pas nécessairement parus en 2018. Il s’agit simplement de livres que j’ai lus cette année.
  2. Ils ne sont pas classés ci-dessous en ordre de préférence, mais en ordre alphabétique d’auteur.
  3. Mon opinion est bien évidemment subjective et m’est personnelle.

Le Sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski

Le Sentiment du fer (Les moutons électriques, 2015) est un recueil de nouvelles de fantasy qui ravira autant les amateurs de l’univers du Vieux Royaume que les non-initiés. J’avais adoré Janua Vera [avis lecture] et Gagner la guerre [recommandation fantasy] figure parmi mes romans favoris, donc c’est sans surprise que je suis tombée sous le charme de cet excellent recueil. En effet, l’écriture de Jaworski, comme toujours, vaut le détour. Qui plus est, gros coup de cœur pour la nouvelle « Désolation », brillant hommage au classique de la littérature The Hobbit de JRR Tolkien.

Avis lecture du Sentiment du fer

JAWORSKI, Jean-Philippe, Le sentiment du fer, Bordeaux, Les moutons électriques, coll. « Hélios », 2015, 208 p.
JAWORSKI, Jean-Philippe, Le Sentiment du fer, Bordeaux, Les moutons électriques, coll. « Hélios », 2015, 208 p.

Retour au Vieux Royaume ! « J’ai quand même un ragot à vous servir, et du lourd ! Figurez-vous que ce n’est point avec moi que les elfes ont commencé à grenouiller dans les affaires de l’État. Bien loin de là ! Il y a deux bons siècles, déjà, au moment de l’Émancipation de Ciudalia, ils nous ont joué un tour à leur façon. Et les marles en tâtent tellement pour la barabille que l’un d’entre eux, sans même pointer son joli minois dans notre belle cité, nous a tous jetés dans une sacrée flanche ! Jugez-en par vous-même. »

À noter, Le Sentiment du fer doit reparaître dans une nouvelle édition chez Les moutons électriques en octobre 2019.

Ce qui restera, Catherine Mavrikakis

Book Review: Ce qui restera, Catherine Mavrikakis
MAVRIKAKIS, Catherine, Ce qui restera, Montréal, Québec Amérique, coll. « III », 2017, 130 p.

Une méchante fée se serait-elle penchée sur son berceau ? Catherine Mavrikakis cherche à contrer le mauvais sort que les membres de sa lignée lui ont lancé. Elle n’est pas morte à 36 ans comme sa grand-mère dont elle a hérité le prénom et comme son père le lui avait prédit. Mais à quel prix ? Qu‘a-t-elle sacrifié ? Quel rêve a-t-elle dû assassiner ? À travers ses souvenirs, Catherine comprend l’importance dans son entourage de présences féminines souvent tragiques. Ce sont ces femmes qui lui ont permis d’exister. Elle retrouve alors la petite fille aventureuse et terrorisée, fragile et puissante, désespérée et pleine de vie qu’elle a été. Comment vit-on en ne se soumettant pas à l’avenir que d’autres ont écrit pour soi? Que doivent inventer celles à qui on a dessiné un avenir? L’écriture sait-elle mettre fin au ressassement des souvenirs qui entravent le futur? Protège-t-elle contre les malédictions de toutes sortes ? Que reste-t-il de celle que Catherine n’a pas voulu être ?

Ce qui restera (Québec Amérique, 2017) est un court ouvrage de nature autobiographique magnifiquement écrit. Il s’agit d’un incontournable pour les amateurs de Catherine Mavrikakis, mais il reste parfaitement accessible à ceux qui ne l’auraient jamais lu. Qui plus est, le troisième souvenir est un brillant exercice de style où l’auteure utilise la répétition de manière subversive pour jouer avec les attentes du lecteur, notamment en enrayant le progrès narratif et en (cor)rompant le pacte de lecture.

Avis lecture de Ce qui restera

Chrysanthe, 1: La Princesse perdue, Yves Meynard

MEYNARD, Yves, Chrysanthe 1. La Princesse perdue, Lévis, Alire, 2018, 304 p. Avis lecture sur lilitherature.com.
MEYNARD, Yves, Chrysanthe 1. La Princesse perdue, Lévis, Alire, 2018, 304 p.

Abandonnée en bas âge par un père violent à la mort de sa mère, Christine a été secourue et élevée par Tonton, un homme bienveillant bien que froid et avare de son amour. C’est pourquoi Christine apprécie tant la gentillesse de Tap Pleine-Lune, son ami lapin qui parle.

Devenue adolescente, Christine comprend qu’il n’est plus raisonnable d’avoir un ami imaginaire et rompt donc avec Tap, même si ce dernier clame qu’il existe réellement. Le choc de la séparation est si brutal que la jeune fille doit consulter un psychiatre qui, au fil de séances aussi longues que pénibles, lui fait revivre sous hypnose les événements difficiles de son enfance, dont les viols à répétition auxquels son père et ses amis la soumettaient.

Pourtant, voilà qu’une rencontre (fortuite?) change à tout jamais le destin de Christine, qui se met soudain à douter : et si tous ses affreux souvenirs étaient fabriqués? Et si, en réalité, elle n’était pas une rescapée mais une… prisonnière? Et si, plus incroyable encore, comme l’affirme le jeune homme qui souhaite l’y emmener, Christine venait d’un monde merveilleux où elle était une véritable princesse?

Lecture plutôt récente (novembre 2018) et dernier coup de cœur en date, le premier tome de la trilogie de fantasy Chrysanthe, La Princesse perdue (Alire, 2018), de l’auteur Yves Meynard m’a absolument emballé. Il s’agit d’un roman définitivement adulte, qui traite de sujets difficiles. L’héroïne est complexe, l’univers original et bien amené, et la fin prometteuse. J’ai rarement eu aussi hâte de lire la suite d’une série.

Avis lecture de La Princesse perdue

Fashionably Tales: une épopée des plus brillants exploits, Marc-Antoine K. Phaneuf

Fashionably Tales (Le Quartanier, 2007) de Marc-Antoine K. Phaneuf est un recueil de poésie très moderne dans ses thématiques, qui s’approprie la culture populaire, multiplie les sens et joue avec les expressions langagières, le tout de façon brillante. Une œuvre à la fois ludique et profonde. Je n’avais pas été aussi touchée par une œuvre de poésie depuis Bloody Mary [avis lecture] de France Théoret.

Avis lecture de Fashionably Tales sur Goodreads

PHANEUF, Marc-Antoine K., Fashionably Tales : une épopée des plus brillants exploits, Montréal, Le Quartanier, coll. « Série QR », 2007, 189 p.
PHANEUF, Marc-Antoine K., Fashionably Tales : une épopée des plus brillants exploits, Montréal, Le Quartanier, coll. « Série QR », 2007, 189 p.

Ces poèmes d’aventures de bas étage racontent le monde en pillant l’infini répertoire de la culture populaire, de la mode et de la porno. Vulgaires et comiques, épiques et glauques, ces “contes” dépeignent une époque débile en piteux état. Poésie vacharde à l’humour volontiers crétin, aux vers nourris de hits pop, de fibre optique et de presse à potins duchampienne, Fashionably Tales vole en rase-mottes au ras des paillettes, faisant de la vie le meilleur art brut qui soit. Album d’or qui transmue le toc en vrac fou, il est le livre vide-poche d’un auteur qui mixe champagne et poutine pour votre bon plaisir.

Plus sur ce recueil de poésie dans mon article intitulé « L’influence du dispositif rythmique et du travail d’interprétation sur la vitesse de lecture : étude de Je me souviens de Georges Perec et de Fashionably Tales de Marc Antoine K. Phaneuf ».

Le théâtre de Dieu, France Théoret

THÉORET, France, Le théâtre de Dieu, Montréal, Leméac Éditeur, 2018, 96 p.
THÉORET, France, Le théâtre de Dieu, Montréal, Leméac Éditeur, 2018, 96 p.

« Ai-je la foi ? » Telle est la question qui hante la jeune narratrice de ce roman, en attente de LA révélation. Le Québec des années 1950, dominé par le clergé, imprègne de son discours religieux toutes les sphères de la société. Nul n’y échappe. Les filles sont nées pour servir, faire don d’elles-mêmes, elles doivent cultiver l’humilité. Aspirant à une éducation qui élèverait sa pensée, incapable de s’identifier au rôle qu’on attend d’elle, la protagoniste ne sait vers qui se tourner pour la guider.

Le théâtre de Dieu (Leméac, 2018) de France Théoret est un roman au titre évocateur. Il s’agit en effet d’une critique de la religion (catholique) en tant que principe absolu, mais le tout est fait avec finesse. Conformément à la règle « show don’t tell » (que trop peu d’auteur(e)s mettent en pratique), Théoret n’énonce jamais sa critique, montrant plutôt les effets négatifs d’un tel absolutisme à travers son personnage principal qui sombre lentement dans la dépression, dépression qui, encore une fois, n’est jamais explicitement nommée. Pourtant, l’auteure québécoise en fait l’une des plus aptes descriptions que j’aie lues dans ma vie :

Je n’avais ni l’âge ni l’autonomie suffisante pour affronter une situation détestée qui me détruisait intérieurement. Je vivais un épuisement inexpliqué cet été-là, j’étais vidée des ressources qui recomposent l’énergie psychique et physique. Il fallait compenser, renflouer mes tendances quotidiennes à l’abattement. J’étais bourrée de fatigues incompréhensibles. Je luttais contre le sommeil les après-midi chauds et ensoleillés. La saison des vacances appelée de tous mes vœux donnait lieu à un refus de vivre. Je ne m’appartenais pas. Un immense soliloque à propos de la désolation recouvrait ma pensée.

p. 24-25

Avis lecture du Théâtre de Dieu


En faisant mon bilan 2018, j’avais été déçue de remarquer que seulement 40% de mes lectures en 2018 étaient de langue originale française. Je suis heureuse de constater ici que les littératures francophones sont bien représentées dans mes favoris : 4 livres québécois, 1 français. J’espère que l’année 2019 sera aussi heureuse en lecture!

Laisser un commentaire