Le manifeste FEMEN est un texte écrit par le collectif lui-même qui présente la pensée et le programme du mouvement féministe FEMEN. Pour celles ou ceux qui se demandent qui elles sont, vous les connaissez probablement comme les « féministes qui manifestent seins nus ». Bien que je ne les ai jamais réduites à ce simple fait, je souhaitais m’éduquer davantage quant aux idéaux précis qui guident leur action.
FEMEN est un mouvement international d’activistes politiques aux torses nus, peint de slogans, et aux têtes couronnées de fleurs. Nos slogans sont courts et percutants, nos poitrines sont nos étendards. De la nécessité militante naît l’accomplissement d’actions puissantes et provocantes mais toujours non-violentes.
Peu d’intérêt esthétique
Un texte académique
D’un point de vue purement esthétique, le tout a peu d’intérêt. Ce n’est pas que c’est mal écrit, juste qu’il s’agit d’un texte avant tout académique. Rien de mal à cela, FEMEN n’est pas un mouvement artistique et ce manifeste vise surtout à mettre sur papier leur philosophie de manière officielle. Cela dit, je m’attendais tout de même à un peu plus d’émotion. Le style d’écriture est si aseptisé que je lisais leur « Lettre ouverte aux femmes du monde » et n’ai pas « ressenti » leur appel, alors que ça ne prend typiquement pas grand-chose pour que je sente la colère montée quand la question du sexisme est soulevée.
Un texte répétitif
L’écriture n’est pas aidée par le fait que le manifeste devient rapidement redondant : les FEMEN se répètent énormément et cela est d’autant plus évident que le texte est très court. Je n’ai pas besoin que l’on me rappelle sans arrêt que le mouvement est né en Ukraine : une fois est suffisante; deux fois fait du sens; trois fois, je commence à me demander si on prend le lecteur pour un poisson rouge; quatre fois… L’écriture du Manifeste FEMEN est plutôt « meh ».
Un contenu superficiel
Les bases du féminisme
De façon générale, le manifeste énonce ce qui apparaît comme des évidences pour une féministe un peu informé. Je ne saurais lui reprocher de poser ses bases, puisque ce qui va de soi pour moi – une femme adulte qui lit de nombreux textes féministes – ne va pas de soi pour tout le monde.
Sans fondement théorique
Cependant, je croyais que les FEMEN iraient un peu plus loin. Elles ne vont pas au-delà des bases : la dictature est odieuse, la société est sexiste, l’exploitation de la femme est mal… Bien sûr, mais encore? Le mouvement ne prend pas le temps de développer les fondements théoriques appuyant leur philosophie. Ce n’est pas nécessairement une obligation, et sans doute ne voulaient-elles pas alourdir le texte avec de la théorie, mais quand je lis dans les premières pages que « le féminisme de FEMEN ne se fonde pas uniquement sur une longue réflexion théorique », je m’attends à ce qu’on me parle un peu de cette « longue réflexion théorique » mentionnée.
Ce que j’ai appris
Les trois piliers à combattre
Tout cela mis à part, j’ai effectivement appris quelques petites choses sur le collectif. Par exemple, j’ignorais que plusieurs activistes avaient été kidnappées, torturées, emprisonnées… De nombreux incidents ont été enterrés ou traités superficiellement à l’international. Sinon, j’ai beaucoup appris sur les positions des FEMEN dans « Les trois piliers à combattre », soit la dictature, l’industrie sexuelle et la religion. J’ai particulièrement été surprise de découvrir qu’elles sont contre, de façon absolue, l’industrie sexuelle et toutes formes de religion.
FEMEN condamne les responsables politiques qui soutiennent et perpétuent cette économie fondée sur la traite des femmes. Nous dénonçons le consensus social qui entoure la prostitution car il ne s’agit pas d’une donnée naturelle mais bien d’un système économique et politique au service du pouvoir masculin culturellement construit.
FEMEN maintient que les sociétés patriarcales ont créé des doctrines religieuses pour asseoir leur domination, qui ne tiennent ni de la raison, ni des sciences, qui nient les droits Humains et qui n’ont donc pas à être prises en compte dans le débat politique, quel que soit le pays, quelle que soit la culture.
Une position peu pragmatique, mais nécessaire
En théorie, je suis d’accord avec ce qu’elles disent ci-dessus : l’industrie du sexe contribue à la perpétuation d’un imaginaire féminin d’infériorité et la religion est rarement (jamais?) tendre envers la femme. Toutefois, d’un point de vue pragmatique, je pense qu’il est irréaliste d’espérer l’abolition totale de l’industrie sexuelle et de s’attendre à ce que les gens renoncent à toutes leurs croyances religieuses. Pour ma part, par exemple, je prône plutôt une réforme de l’industrie du sexe, notamment par une légalisation de la prostitution qui permettrait une régulation de la profession pour mieux protéger les travailleuses (et travailleurs) du sexe. En ce sens, je trouve leur position peu nuancée.
Cependant, je crois que le monde a besoin de ce genre de mouvements féministes plus catégoriques. Non radicale, mais bien affirmée. Les FEMEN ne veulent pas éliminer les hommes ou prendre le pouvoir, elles veulent simplement l’égalité avérée des sexes (et non, par exemple, une fausse égalité comme la prétendue égalité salariale qui dans les faits n’est pas atteinte).
Notre projet féministe pour un monde d’égalité et de justice n’entend en aucune manière émasculer ou dominer pour assouvir un quelconque dessein de vengeance. Notre féminisme est une haine assumée et revendiquée envers un système au service des intérêts masculins, mais pas une haine envers les hommes eux-mêmes.
Pas un incontournable
En somme, le Manifeste FEMEN est un texte à l’intérêt esthétique moindre et au contenu de surface. Pas un incontournable, puisqu’il me semble qu’une recherche Internet plus ou moins approfondie pourrait facilement en révéler autant sur le mouvement. Cela dit, le manifeste est très court, donc si vous êtes curieux, pourquoi pas.
La manifestation seins nus est l’expression d’une révolte non déguisée contre l’ordre patriarcal, les corps des activistes FEMEN affichent une esthétique nouvelle dans l’histoire de la lutte des femmes.
Le contrôle sur le comportement et le rôle des femmes qu’exerce le principe de domination masculine passe en grande partie par l’exploitation du corps féminin. Au cours du temps, la femme s’est vue réduite à sa sexualité, elle-même réduite à l’état de simple outil de divertissement passif ou d’instrument de perpétuation de l’espèce. Le corps nu féminin reste un terrible tabou tant qu’il n’est pas conforme aux cadres que lui impose par l’image et les discours religieux ou publicitaires, le diktat moral du système patriarcal.
