Couverture Sorcières! Le sombre grimoire du féminin

Avis lecture : Sorcières! Le sombre grimoire du féminin, Julie Proust Tanguy

La figure de la sorcière à travers la littérature

Sorcières! Le sombre grimoire du féminin est un ouvrage de non-fiction traitant de la figure de la sorcière à travers la littérature dans le sens large du terme. En effet, Julie Proust Tanguy, sans ignorer l’aspect historique, prend le parti de s’attarder à la représentation de la sorcière dans l’imaginaire, tout média confondu.

Des ressources variées

Ainsi, il n’est pas étonnant que l’appareil bibliographique du livre soit si impressionnant. Les ressources convoquées par l’écrivaine, enseignante et critique littéraire sont nombreuses et variées : manuscrits, contes et légendes, livres, images, séries télévisées, films, animes, etc. D’ailleurs, l’auteure et Les moutons électriques rendent disponible une annexe de toutes les ressources utilisées sur le site de l’éditeur, téléchargeable gratuitement en format PDF, ce qui est particulièrement pratique à des fins de recherche.

L’insertion des citations dans le texte

Qui plus est, les citations sont naturellement insérées dans le texte, pour une lecture plus fluide.

Sa formule la plus mythique, abracadabra, […] [est] probablement héritée de l’hébreu […], elle renvoie au dieu Abraxas, « un dieu intermédiaire dans le système gnostique de Basilide (IIe siècle). Abraxas est aussi le nom d’une pierre gravée d’inscriptions magiques, permettant à l’âme et au corps de franchir les barrières élevées par des esprits malfaisants1 ».

1 Guy Bechtel, La Sorcière et l’Occident, Plon, 1997.

Cela peut sembler anodin, mais ce genre d’ouvrages tend à privilégier les citations indirectes, à paraphraser les propos tirés d’une autre source. Cette façon de faire ne permet pas au lecteur de se familiariser avec le matériel de base, il en est gardé à distance. En tant que littéraire, j’ai spécialement apprécié de pouvoir lire les textes d’origine. De plus, la pratique de la citation indirecte s’accompagne souvent d’un ton plus académique, et donc plus monotone et moins accessible à un lectorat non savant. Ce ton n’est pas celui adopté par Julie Proust Tanguy.

Une posture féministe appropriée

Le titre de l’ouvrage l’annonce, l’auteure ne désire pas poser un regard neutre sur le sujet qu’elle aborde. Il est évident dans le point d’exclamation de Sorcières! et dans la connotation de l’adjectif « sombre » dans Le sombre grimoire du féminin que Proust Tanguy prend une position féministe. Pas que le caractère féministe de l’ouvrage saute yeux (il serait facile de ne pas le remarquer) ; simplement, on ne peut pas parler de neutralité quand l’écrivaine écrit :

La sorcière ne serait que le bouc émissaire d’une société misogyne en crise qui, faute de se demander comment l’on peut enfanter quand ce monde se fait insupportable, préfère projeter sa souffrance et ses reproches sur la figure archétypale de la mère.

L’opinion de l’auteure est évidente quand elle qualifie la société de « misogyne ». Ce n’est pas un reproche que je lui adresse, au contraire. Une posture féministe est spécialement appropriée compte tenu de l’objet d’étude. De plus, je crois qu’il est généralement accepté que la chasse aux sorcières a été une aberration et que la société de cette époque était particulièrement sexiste.

Un ouvrage riche, mais accessible

Sorcières! Le sombre grimoire du féminin de Julie Proust Tanguy est un livre de qualité aux ressources diversifiées ; il y a un peu de tout pour tout le monde. Riche en information, l’ouvrage dresse un excellent portrait de la sorcière à travers le temps et la littérature. Malgré tout, l’ensemble reste accessible à un large public, notamment parce que le texte se lit tout seul. À lire assurément si le sujet vous intéresse!

Celle-ci [la sorcière] condensera peu à peu tous ces mythes sous sa face détestée : sensuelle ou libre dans sa sexualité, elle provoquera la perte des hommes. Laide, elle les repoussera et dévorera les fruits précieux de sa descendance. Vengeresse, elle les privera de leur puissance et menacera de les renverser. Maîtresse d’une culture transmise oralement, elle ne saurait être supérieure à la sagesse écrite des hommes. Transgressive, elle refusera de se plier à la société patriarcale.

Se procurer Sorcières! Le sombre grimoire du féminin

PROUST TANGUY, Julie, Sorcières! Le sombre grimoire du féminin, Bordeaux, Les moutons électriques, 2015, 248 p.
PROUST TANGUY, Julie, Sorcières! Le sombre grimoire du féminin, Bordeaux, Les moutons électriques, 2015, 248 p.

5 commentaires

  1. Mademoiselle Cup Of tea

    Un livre qui m’a l’air très intéressant ^^ Et la citation “La sorcière ne serait que le bouc émissaire d’une société misogyne en crise” est je pense assez juste, les femmes sont toujours depuis la nuit des temps le sexe faibles, des tentatrices, porté du doigts. Donc traiter celles-ci de sorcières me paraît pas si farfelu que ça :p
    Merci de la découverte !

  2. Boldreadings

    J’attendais ta chronique sur ce livre ! Tout ce que tu dis me donne encore plus envie de le lire, d’autant plus que la figure de la sorcière prend de plus en plus d’ampleur en ce moment !

Laisser un commentaire