Couverture de L’imitateur

Extrait : le fragment « Augmentation » du recueil d’anecdotes journalistiques L’imitateur de Thomas Bernhard

L’imitateur de Thomas Bernhard

BERNHARD, Thomas, L'imitateur, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1982.
BERNHARD, Thomas, L’imitateur, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1982.

Paru pour la première fois en 1978 sous le titre Der Stimmenimitator, L’imitateur est une collection de fragments prenant la forme d’anecdotes journalistiques tout aussi violentes qu’absurdes[1]. Ce recueil publié au milieu de la carrière de l’écrivain marque un changement dans le ton de l’auteur[2]. En effet, alors que les livres qu’ils publient auparavant mettent l’emphase sur l’expérience perplexe du tragique, les textes parus à partir de ce point (dans le temps) tendent plutôt à se concentrer sur la comédie que représente la répétition constante de la tragédie. Cette description s’applique bien à L’imitateur.

Le fragment « Augmentation »

BERNHARD, Thomas L’imitateur, coll. « Folio bilingue », Paris, Gallimard, 1997.
BERNHARD, Thomas L’imitateur, coll. « Folio bilingue », Paris, Gallimard, 1997.

Au tribunal de district de Wels, une femme ayant déjà quarante-huit condamnations à son casier judiciaire, que, dès l’ouverture de « sonjusqu’à présent dernier procès » (comme l’écrit le journal de Wels), le président avait qualifiée de chapardeuse aux cheveux blancs bien connue de la cour, et qui comparaissait cette fois pour le vol d’une lorgnette totalement inutilisable pour elle, qu’elle avait subtilisée à une dame passionnée d’opéra, récemment décédée, mais qui ne pouvait déjà plus bouger, et donc aller à l’opéra, depuis des années, et, de ce fait, ne se servait plus de la lorgnette et l’avait déjà complètement oubliée, ainsi qu’il est apparu au cours des débats, – a réussi à faire augmenter de six mois la peine de prison de trois mois seulement qui lui avait été infligée : pour cela, juste après la lecture de la sentence par le président, elle a donné une gifle à ce dernier. Elle espérait, a-t-elle déclaré, au moins neuf mois de prison, parce qu’elle ne supportait plus d’être en liberté.

p. 83

[1] Gitta Honneger, « Self-Projections/Self-Reflections », dans Thomas Bernhard: The Making of an Austrian, New Haven, Yale University Press, 2001, PDF, p. 24.

[2] Gitta Honneger, « Stand-Up Writer », dans Thomas Bernhard: The Making of an Austrian, New Haven, Yale University Press, 2001, PDF, p. 58.

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