The Bear and the Nightingale de l’auteure américaine Katherine Arden – disponible en français chez Denoël sous le titre L’Ours et le Rossignol – est un conte qui s’inspire du folklore russe. Quoiqu’il s’agisse du premier tome de la trilogie de fantasy historique Winternight, le roman peut être lu comme un standalone.
Un conte d’inspiration russe
Une culture orale
Le roman s’ouvre sur un conte russe, celui du roi de l’hiver, ici raconté par l’aînée Dunya aux enfants.
“Tell the story of Frost, Dunyashka. Tell us of the frost-demon, the winter-king Karachun. He is abroad tonight, and angry at the thaw.”
[…] In Russian, Frost was called Morozko, the demon of winter. Under that name, he was king of black midwinter who came for bad children and froze them in the night. It was an ill-omened word, and unlucky to speak it while he still held the land in his grip.
p. 4-5
Cela pourrait sembler banal, voir cliché, pourtant c’est plutôt ingénieux. Non seulement ce court récit joue un rôle informatif en posant le cadre du roman, mais le fait qu’il soit raconté de vive voix réfère à la tradition orale qui est celle des contes de fées. Qui plus est, il s’agit du mode de transmission de la culture associée au folklore russe, et on a ici l’ancienne génération (Dunya) communiquant son savoir à la nouvelle (les enfants, dont Vasya – Vassia dans la traduction de Denoël).
La richesse du folklore russe
Cette culture qui est transmise, elle est incroyablement riche et tout à fait fascinante, spécialement pour quelqu’un qui n’en est pas familier (comme moi). C’est avec émerveillement que le lecteur découvre la galerie mythique composée de Morozko; de Medved; du vodianoy, roi de la rivière; du domovoi, protecteur de la maisonnée; du vazila, l’esprit des chevaux; de la rusalka, qui hante le lac; du leshy, gardien de la forêt; etc.
Les contes de fées contre la religion chrétienne
Toutes ces créatures, tous ces êtres, ce sont les contes de fées inlassablement convoqués dans The Bear and the Nightingale. En effet, impossible de compter le nombre de fois où l’auteure emploie l’expression « fairy tales » ou évoque des « stories ». Le plus souvent, la mention des contes est utilisée pour dire à l’héroïne qu’il faut cesser de croire à ces histoires juvéniles.
Fairy tales are sweet on winter nights, nothing more.
p. 74
C’est donc la croyance qui est en question ici, et cette croyance en la mythologie russe – nécessaire à la survie des créatures et par extension à celle des humains – est mise en opposition avec la croyance en le Dieu unique, qui refuse de partager la foi de ses sujets.
Rus’ had been Christian ever since Vladimir baptized all of Kiev in the Dneiper and dragged the old gods through the streets.
p. 13
La religion chrétienne a mauvaise presse, ou plutôt son pendant fanatique, principalement incarné par le personnage du Père Konstantin, mais aussi par la figure tragique d’Anna, deux antagonistes complexes et intéressants à lire. Il n’y a plus que Vasya qui croit en les créatures et c’est cette croyance qui fait sa force.
Une œuvre féministe mine de rien
Sans devenir moralisateur et sans tomber dans le piège du telling plutôt que showing, le roman assume définitivement une position féministe. Vasya n’est pas une féministe en tant que le combat pour l’égalité des sexes est loin de son esprit, mais elle est une héroïne féministe pour ce qu’elle est. Elle est ce qu’elle est, tout simplement, et si ce qu’elle est ne correspond pas à ce qu’on lui dit qu’une femme doit être, tant pis. Laide, sauvage, impénitente, elle fascine autant qu’elle terrifie.
Un roman à la mythologie captivante
Doté d’une prose magnifique qui évoque le conte de fées sans trop en faire ainsi que d’une collection de personnages complexes, The Bear and the Nightingale de Katherine Arden est un roman de fantasy à la mythologie captivante qui vous fera tomber en amour avec le folklore russe.
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