Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu de l’auteur français Karim Berrouka est un roman fantastique humoristique qui s’approprie brillamment la mythologie lovecraftienne pour en faire quelque chose de délirant.
Pas un roman à personnages
Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu n’est pas un livre à personnages. Ceux-ci ne sont certainement pas antipathiques, mais ils sont peu développés. Ce n’est pas tant un reproche qu’une observation, puisqu’il s’agit clairement de l’intention de l’auteur. En effet, l’histoire est amenée par des personnages volontairement loufoques et peu approfondis, ce qui permet de conserver une part de mystère dans un récit dont le ton ne se prête pas de prime abord au mystère. Ainsi, tout ce qu’il y a à savoir d’Ingrid, l’héroïne du récit, est contenu dans cette description, que l’on peut lire dès le début du roman :
Pas très grande, pas très petite, un peu blonde mais elle préfère aujourd’hui se ranger dans la catégorie des rousses tendance doré chatoyant, ce qui n’était pas le cas à l’école, au collège et au lycée, où elle s’affirmait blonde, parce qu’il était plus facile de se fondre dans la masse plutôt qu’être affublée de l’étiquette de fille du diable, ou autre stupidité analogue – même si blonde avait aussi ses désavantages, mais c’est une autre histoire qui intéresse surtout les crétins et les coiffeurs.
p. 5
Plus que son physique, ce portrait nous informe de l’attitude de la protagoniste.
De l’humour qui ne verse pas dans la parodie
Cette description annonce aussi le ton du récit et son type d’humour, les deux incroyablement bien rendus par le style d’écriture de Berrouka. Il s’agit définitivement de la force du livre : le cadre du roman est halluciné, mais on ne tombe pas dans la parodie. L’auteur trouve le bon équilibre entre les deux.
Cthulhu, Ursula [de La Petite Sirène], même combat. Horribles à rendre fou, résistants comme un ballon de baudruche trop gonflé.
p. 43
Un récit amusant pour les amateurs de Lovecraft comme les non-initiés
Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu est un roman drôle sans trop en faire, ce qui est rendu possible par la délicate balance maintenue par Karim Berrouka. Vous aurez donc compris que j’ai été particulièrement séduite par la plume de l’auteur, imagée d’une façon « moderne » et qui ne tombe pas dans le lyrisme excessif. Sinon, je crois que les amateurs de Lovecraft sauront apprécier les nombreux clins d’œil à son œuvre, mais que les non-initiés ne seront pas moins amusés par ce récit (un peu) dément.
Le monde n’est pas régi par des basculements intempestifs. Le monde est patient, il respecte la logique des tensions, une sorte de loi universelle qui veut que l’élastique de la réalité ait une résistance accrue, et qu’avant qu’il ne pète, il faut qu’il enregistre une puissante tension.
p. 5-6
Se procurer Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu

Merci aux éditions ActuSF de m’avoir fait parvenir une copie du roman Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu de Karim Berrouka.