Un homme sur une montagne contemple l'horizon

Bref regard sur la littérature romantique française à travers sept contes et nouvelles

Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, Théophile Gauthier, Victor Hugo, Prosper Mérimée, Alfred de Musset, Gérard de Nerval, Charles Nodier, George Sand, Stendhal, Alfred de Vigny… Autant d’auteurs qui ont marqué leur époque. Voici un bref regard sur le courant littéraire romantique apparu en France au 19ème siècle (au 18ème siècle en Allemagne) à travers sept contes et nouvelles.

Exploration de nouveaux genres

La cafetière de Théophile Gauthier

L’émergence du romantisme est le reflet d’une nouvelle ouverture d’esprit, notamment en ce qui a trait à l’apparition de nouveaux genres. Théophile Gauthier, avec sa nouvelle La cafetière[1], en est un parfait exemple. Ce court texte – qui n’est pas sans rappeler par certains éléments le courant surréaliste[2] – est un récit complètement halluciné, peu respectueux des règles établies. En conséquence, il n’est pas facilement abordable, mais présente plusieurs belles images, métaphores au faste de la Régence à l’heure de la Révolution française (1789-1799) et de ses guerres incessantes. Personnellement, un récit qui ne m’a pas vraiment accroché, car trop abstrait.

Une littérature de l’évasion

Une passion dans le désert d’Honoré de Balzac

Le romantisme est aussi une littérature de l’évasion. Une passion dans le désert[3] d’Honoré de Balzac est le parfait représentant de ce fait. Ainsi, Balzac perd son héros dans un pays étranger au milieu du désert, à la merci de la nature. Un récit très atmosphérique qui décrit l’amitié craintive entre un homme et une panthère, soit une relation qui ne peut que se terminer dans le sang. Une nouvelle qui traîne en longueur, où il ne se passe pas grand-chose, dont tout l’intérêt repose dans le rendu du décor et de l’atmosphère. On peut presque sentir la chaleur torride du désert nous étouffer, si bien qu’un malaise demeure à la fin de notre lecture.

La critique sociale comme inspiration

Il y a deux traits qui caractérisent tout spécialement le courant romantique. Le premier est une propension à la critique sociale. Claude Gueux[4] de Victor Hugo et Tamango[5] de Prosper Mérimée sont de bons exemples de cette tendance. Mais si on peut dire des deux textes qu’il s’agit de critiques sociales pures et simples, leur auteur adopte des tons très différents pour faire passer leur message.

Claude Gueux de Victor Hugo

Victor Hugo a opté pour un ton presque désinvolte. Il décrit les choses simplement, avec une avarie de mots presque désarmante. L’écrivain est direct ; il décrit l’univers de la prison et la déchéance de Claude Gueux sans fioriture, si bien qu’il rehausse l’absurdité et l’injustice du tout d’un cran. Le sort du héros nous interpelle et il soulève plusieurs questions intéressantes, légitimes, universelles : les meurtriers ne seraient-ils pas les victimes de la société? ; quand exactement peut-on parler de provocation, de légitime défense? ; quand est-ce que le meurtre devient acceptable moralement?

Tamango de Prosper Mérimée

Prosper Mérimée, pour sa part, préfère critiquer l’esclavage des noirs par l’entremise d’une ironie tirant sur le tragique. Un ton très approprié selon moi, car il souligne la stupidité de la réalité de l’esclavage. En effet, la cruauté gratuite, rendue banale, est tellement insensée qu’elle en devient risible. Un récit très fort qui se termine comme il a débuté : sur l’atrocité quelconque de l’existence.

Le thème de l’amour / la passion

Le second trait – mais non le moindre – caractéristique de la littérature romantique est bien entendu le thème de l’amour et de la passion.

Croisilles d’Alfred de Musset

Le récit Croisilles[6] d’Alfred de Musset – qui m’évoque fortement Princess Bride [avis lecture] – repose sur l’amour que porte Croisilles, fils d’orfèvre qui a tout perdu, pour Julie Godeau, fille d’un fermier général. Autrement dit, c’est l’histoire d’amour impossible entre deux jeunes gens de rangs différents. Le tout n’est pas sans rappeler les contes de fée : un héros distrait, étourdi, pauvre, mais noble de cœur ; une belle riche et coquette, inaccessible ; un parent hautain, laid, qui s’oppose à l’union ; un allié extérieur qui va l’aider dans sa quête. Un conte romantique léger au style d’écriture volontairement naïf.

Vanina Vanini de Stendhal

L’amour, mais surtout la passion, tient un rôle primordial dans Vanina Vanini[7], nouvelle de Stendhal. Plus intense que Croisilles, ce récit est l’occasion d’évoquer une autre caractéristique importante de la littérature romantique : l’individualisme. En effet, vous serez soufflé par l’égoïsme amoureux monumental de Vanina, prête à tout pour être réunie avec son bien-aimé Pietro. De son côté, Pietro Missirilli, membre des Carbonari, société secrète révolutionnaire de la Restauration (1814/1815-1830), illustre l’aspect « critique sociale » du romantisme dans son combat pour une Italie démocratique. Son amour pour sa patrie causera une jalousie dévastatrice chez son amante.

Laurette ou le cachet rouge d’Alfred de Vigny

Laurette ou le cachet rouge[8], par l’auteur Alfred de Vigny, tout comme Vanina Vanini, fait appel à l’amour et à la critique sociale. Sauf qu’ici l’amour est une excuse à la critique, la renforçant en présentant le portrait d’un couple idyllique victime de l’abus de pouvoir du Directoire (1795 1799). Le texte se met en place tranquillement, laissant le lecteur s’attacher aux personnages pour mieux le toucher face au sort funeste des trois héros. L’amertume vous étreindra longtemps après votre lecture.


Tel qu’annoncé par le titre de cet article, il s’agit d’un « bref » regard sur le romantisme. L’exploration des genres, l’évasion, la critique sociale, la passion… ce ne sont que quelques attributs de ce courant littéraire. En effet, je n’ai pas parlé de la mélancolie, la nature, la spiritualité, etc. Pour en savoir plus, vous pouvez commencer par une visite du site des Études littéraires.


[1] Théophile Gauthier, La cafetière : Conte fantastique, 1831, premier texte dans Nouvelles I, Bibliothèque électronique du Québec, coll. « À tous les vents », <https://beq.ebooksgratuits.com/vents/gautier-nouvelles-1.pdf>.

[2] André Breton publiera le Manifeste du Surréalisme en 1924.

[3] Honoré de Balzac, Une passion dans le désert, 1830, Bibliothèque électronique du Québec, coll. « À tous les vents », <https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac-63.pdf>.

[4] Victor Hugo, Claude Gueux, 1834, dans Le dernier jour d’un condamné ; suivi de Claude Gueux, Bibliothèque électronique du Québec, coll. « À tous les vents », <https://beq.ebooksgratuits.com/vents-xpdf/Hugo-claude.pdf>.

[5] Prosper Mérimée, Tamango, 1829, dans le volume III de Nouvelles I, Bibliothèque électronique du Québec, coll. « À tous les vents », <https://beq.ebooksgratuits.com/vents/merimee-1.pdf>.

[6] Alfred de Musset, Croisilles, 1839, dans Nouvelles et Contes, II retranscrit sur Wikisource, <https://fr.wikisource.org/wiki/Nouvelles_et_Contes_(Musset)/Croisilles>.

[7] Stendhal, Vanina Vanini, 1829, <http://elg0002.free.fr/pdf/stendhal_vanina_vanini.pdf>.

[8] Alfred de Vigny, Laurette ou le cachet rouge, 1833, dans Revue des Deux Mondes, période initiale, tome 1 retranscrit sur Wikisource, <https://fr.wikisource.org/wiki/Laurette_ou_le_cachet_rouge>.

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