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Extrait : le mal de vivre dans Paradis, clef en main de Nelly Arcan

Paradis, clef en main de Nelly Arcan

Paradis, clef en main Nelly Arcan 2009
ARCAN, Nelly, Paradis, clef en main, Montréal, Coups de tête, 2009, 216 p.

Une obscure compagnie organise le suicide de ses clients. Une seule condition leur est imposée : que leur désir de mourir soit incurable. Pur, absolu. Antoinette a été une candidate de Paradis, clef en main. Elle n’en est pas morte. Désormais paraplégique, elle est branchée à une machine qui lui pompe ses substances organiques. Et Antoinette nous raconte sa vie. Elle raconte sa mère, dont elle pourrait être la copie conforme. Elle raconte Paradis, clef en main et son processus de sélection, ses tests et ses épreuves, son chauffeur et son psychiatre halluciné, le caniche blanc qui ponctue les scènes rocambolesques, son comité de sélection. Un monde Kafkaen. Elle nous raconte aussi son oncle Léon, dont le suicide, également organisé par Paradis, clef en main, a fait les manchettes du monde entier. Et surtout, elle nous raconte son nouveau désir d’exister, son second souffle.

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Extrait du chapitre « Le psychiatre »

ARCAN, Nelly, Paradis, clef en main, Montréal, Coups de tête, 2009, 216 p.

Selon le fils, selon ses propres mots, il ne savait pas pourquoi il était malheureux, mais il l’était et irrémédiablement; il en avait cherché la cause, en vain; la seule chose dont il était certain était que chaque jour lui amenait un lot de souffrance intolérable, chaque matin débouchait sur une journée de pesanteur à attendre l’endormissement, un nombre d’heures interminables à traverser pendant lesquelles il songeait à la mort, la souhaitait, des heures à convoquer des forces célestes pour qu’elles le soustraient à son existence; il avait essayé d’être comme tout le monde, mais il n’y était pas parvenu; il n’y parviendrait pas; pire, il ne le désirait pas; il détestait la vie et tout ce qu’elle contenait : les gens, la nécessité de frayer avec les autres, l’énergie que l’existence exigeait, le ciel, la terre, le soleil, la lumière du jour, le noir de la nuit, les rêves, la ville, la campagne, l’école, les garçons aussi bien que les filles, la nécessité de manger, de boire, de dormir, de subir des pensées désagréables et inutiles… La perspective d’avoir un avenir l’effrayait, lui faisait honte, voire l’offensait. Qu’avait-il fait pour naître? La vie était une agression, un viol fondamental. Le laisser vivre voulait dire ne pas le soigner, lui refuser l’aide dont il avait besoin, c’était dire non à l’amputation de ce qu’il haïssait, de ce qui le rendait si malheureux : la vie en soi, la vie tout court.

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