De rivières Vanessa Bell

Avis lecture : De rivières, Vanessa Bell

De rivières est un recueil de poésie traitant de quelques-uns de mes thèmes de prédilection, dont notamment la femme et les implications de la maternité pour la femme. Écrit par l’auteure québécoise et militante féministe Vanessa Bell, le livre est paru le 10 octobre 2019 aux Éditions La Peuplade.

Des poèmes courts, mais riches

Le recueil est composé de très courts poèmes en vers libres et dénués de ponctuation; les plus longs ont moins de dix vers et les plus courts ne font qu’une seule ligne.

qu’as-tu fait de ta révélation?

p. 27

Mais si les poèmes sont courts, ils n’en sont pas moins riches en signification. Entre autres, Bell :

  • joue expertement avec les pronoms;
  • utilisent judicieusement les crochets, qui permettent l’introduction d’une pensée, d’une question que l’on se pose, d’une intervention par un autre personnage;

[je viens de la violence]

d’où vous écrire

sinon de cette rage

sublime qui agite nos corps[1]

p. 72
  • détourne des expressions, de manière explicite ou non;

pour survivre

j’ai sorti

tout le linge des placards des tiroirs

même celui des autres[2]

p. 41
  • fait des références plus ou moins obscures;

je lègue peau de chagrin[3]

p. 52
  • renvoie mine de rien aux autres poèmes dans le recueil;
  • etc.

Un lecteur pourra lire De rivières au premier degré en appréciant une poésie en apparence simple; un autre pourra y découvrir des poèmes qui condensent sans en avoir l’air plusieurs couches de sens en très peu de mots.

Le grand récit du recueil

Le lecteur attentif remarquera très vite que les différents poèmes se répondent les uns les autres (p. ex., grâce aux renvois dont je parlais plus tôt). C’est que l’auteure raconte une histoire au fil de l’ensemble du recueil. En effet, l’ouvrage est divisé en quatre parties :

  1. En dehors de son milieu
  2. Ce vent
  3. Grosse roche
  4. Jusqu’où c’est profond

Chaque partie – introduite par une citation particulièrement bien choisie – raconte une nouvelle « étape » dans la vie émotionnelle de la narratrice. Je ne rentrerai pas dans les détails, car je crois que la découverte de ce grand récit participe du plaisir de lecture. Toutefois, je mentionnerai qu’il est question, entre autres choses, d’apprendre à se tenir droit face à son abuseur, d’une grossesse difficile, de la maternité, de l’avortement et de réapprendre à vivre (pour soi).

Une poésie débordante de sens (pour tous)

Dans son recueil De rivières, Vanessa Bell tisse habilement un récit personnel qui saura néanmoins résonner avec la plupart des lecteurs. Trompeusement simple, sa poésie – dont le lyrisme ne repose nullement sur la rime traditionnelle – est débordante de sens. Elle saura ainsi plaire aussi bien aux non-initiés – qui pourront en faire une lecture plus en surface – qu’aux lecteurs aguerris du genre – qui fouilleront le texte pour y déterrer les sens cachés.

mon corps une rivière

je vous en prie

acquiescez mon existence

p. 36

Se procurer De rivières

Couverture de De rivières de Vanessa Bell : des vagues abstraites
BELL, Vanessa, De rivières, Saguenay, La Peuplade, coll. « Poésie », 2019, 96 p.

[1] Le « [je viens de la violence] » est clairement une remarque que la narratrice se fait à elle-même. Quant aux pronoms, on a un je entre crochet, séparé du vous, qui finit par s’inclure et devenir un « nous » (nos).

[2] L’expression « laver son linge sale » peut informer la lecture de ce poème.

[3] « Peau de chagrin » a plusieurs significations, mais c’est aussi une référence au roman La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac, ce qui est porteur de sens en soi si on connaît le livre. Mon analyse littéraire de ce poème de Vanessa Bell est disponible sur ce site.


Merci aux Éditions La Peuplade de m’avoir fait parvenir une copie du recueil de poésie De rivières de Vanessa Bell.

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