Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet
« Weidmann vous apparut dans une édition de cinq heures, la tête emmaillotée de bandelettes blanches, religieuse et encore aviateur blessé, tombé dans les seigles, un jour de septembre pareil à celui où fut connu le nom de Notre-Dame-des-Fleurs. Son beau visage multiplié par les linotypes s’abattit sur Paris et sur la France, au plus profond des villages perdus, dans les châteaux et les chaumières, révélant aux bourgeois attristés que leur vie quotidienne est frôlée d’assassins enchanteurs, élevés sournoisement jusqu’à leur sommeil qu’ils vont traverser, par quelque escalier d’office qui, complice pour eux, n’a pas grincé. Sous son image, éclataient d’aurore ses crimes : meurtre 1, meurtre 2, meurtre 3 et jusqu’à six, disaient sa gloire secrète et préparaient sa gloire future. »
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Extrait : la pédérasque
Enfin, elle tapota son front de neige avec un mouchoir fleuri. Puis elle croisa ses jambes : l’on vit à sa cheville une gourmette fermée par un médaillon que nous savons, nous, contenir quelques cheveux. Elle sourit à la ronde et chacun ne répondit qu’en se détournant, mais cela était répondre. Le café était silencieux à tel point que l’on y entendait distinctement tous les bruits. Tout le café pensa que le sourire de : (pour le colonel : l’inverti ; pour les commerçants : la chochotte ; pour le banquier et les garçons : la proutt ; pour les gigolos : « celle-ci », etc.) était abject. Divine n’insista pas. D’une minuscule bourse à coulisse de satin noir, elle tira quelques pièces, qu’elle posa sans bruit sur la table de marbre. Le café disparut et Divine fut métamorphosée en une de ces bêtes peintes sur les murailles – chimères ou griffons – car un consommateur, malgré lui murmura un mot magique en pensant à elle :
— Pédérasque.