Fille dans l'espace qui se cache derrière la lune

Avis lecture : Zodiaque, Ariane Lessard et Sébastien Dulude [dir.]

Zodiaque est un recueil de douze nouvelles écrites par douze autrices québécoises au signe astrologique différent. Réalisé sous la direction d’Ariane Lessard et Sébastien Dulude, l’ouvrage est paru en 2019 chez l’éditeur La Mèche du Groupe la courte échelle.

On y retrouve les textes suivants :

  • Mon chemin est O d’Ariane Lessard (Balance);
  • Chum, André et moi de Nadia Essadiqi (Scorpion);
  • Véhicule cheveux long de Maude Veilleux (Sagittaire);
  • 23° 22,5’ S., 150° 30, 7’ E. sur le tropique des capricornes de Catherine Mavrikakis (Capricorne);
  • Verseau me dit de Clara Dupuis-Morency (Verseau);
  • Devenir sirène d’Anne Martine Parent (Poissons);
  • Bélier, premier signe su zodiaque de Zéa Beaulieu-April (Bélier);
  • Ta présence a tout changé de Chloé Savoie-Bernard (Taureau);
  • Glu de Mélopée B. Montminy (Gémeaux);
  • La fois où j’ai déboulé juillet de Marjolaine Beauchamp (Cancer);
  • Esthétique de l’épuisement de Pascale Bérubé (Lion);
  • Suffisamment vierge de MP Boisvert (Vierge).

Découvrez mon avis sur quelques-unes de ces nouvelles.

Mon chemin est O d’Ariane Lessard

En rapprochant le signe de la Balance à l’objet du même nom et à la notion d’équilibre, le récit Mon chemin est O d’Ariane Lessard (Balance) décrit la difficulté qu’il y a à maintenir l’équilibre.

Une excellente Balance doit être juste. Connaître les forces, les masses sombres. C’est une fine observatrice. Qui verse souvent dans la paranoïa. Je suis consciente du plus petit débalancement.

p. 14

Le propos est servi par la forme circulaire du texte, dont les paragraphes se terminent comme ils commencent. Ainsi, le premier d’entre eux débute et finit par « C’est tourner en rond qui est le plus difficile » (p. 11). C’est en ce sens que le chemin de la narratrice est O.

Verseau me dit de Clara Dupuis-Morency

Verseau me dit de Clara Dupuis-Morency (Verseau) est mon texte préféré du recueil avec sa réappropriation anachronique de la mythologie grecque entourant Hébé et Ganymède. D’une part, la langue familière ramène les divinités au même niveau que les humains au plus grand plaisir du lecteur.

il [Zeus] en bande pendant des jours, juste de ça, le frétillement de se sentir aussi dieu.

p. 75

D’autre part, Dupuis-Morency opère un intéressant rapprochement entre « verse l’eau » et « verseau » puisque les protagonistes se succèdent dans le rôle d’échanson des dieux (la personne qui leur sert à boire). C’est ainsi que l’autrice démontre comment l’identité de Ganymède est fluide comme l’eau, qu’elle échappe aux tentatives de catégorisation d’Hébé.

J’essaie. J’essaie en vain de lire chez Ganymède un signe de son homosexualité.

p. 80

Devenir sirène d’Anne Martine Parent

Devenir sirène d’Anne Martine Parent (Poissons) pose la question suivante : et si la petite Sirène avait réalisé son erreur et était retournée à la mer plutôt que de perdre son identité de poisson pour le prince charmant? Une sorte de retelling moderne d’« une histoire de perte et de deuils » (p. 99).

Elle a sorti son tarot, qui est demeuré fermé à mon sujet. Les cartes se mélangeaient mal, se contredisaient ou restaient volontairement floues. Elles ne voulaient pas répondre.

p. 98

Ta présence a tout changé de Chloé Savoie-Bernard

Ils m’ont dit que j’étais borderline. Je crois bien que c’est l’étiquette qu’ils collent à toutes les filles qui se coupent les bras et qui ont envie de crever.

p. 123

Dans Ta présence a tout changé, la narratrice de Chloé Savoie-Bernard (Taureau) se livre à une introspection qui s’appuie sur les citations de psychanalystes et d’astrologues. Sa quête de soi passe entre autres par une remise en question de la vérité absolue présumée dans le diagnostic psychologique/le profil astrologique d’une personne.

Ce que les Taureau ont de casanier, le naturel affable des Balance [l’ascendant de la narratrice] vient le déjouer. Je suis donc équilibrée, fonceuse, travaillante, séduisante, me dit-on.

Je ne suis pas folle, cher DSM. Tu vois.

p. 125

La fois où j’ai déboulé juillet de Marjolaine Beauchamp

Marjolaine Beauchamp (Cancer) ne fait jamais les choses comme les autres, elle les fait toujours bien à sa façon. Avec La fois où j’ai déboulé juillet, elle raconte une histoire en gribouillis, écrits et dessins. Constatez-le par vous-même :

Dessin d'une fille et son âme

Si je ne parle pas ici de toutes les nouvelles du recueil, ce n’est certes pas parce qu’elles n’ont pas d’intérêt. En effet, l’ensemble de Zodiaque est tout à fait charmant. Il comporte des fictions de types variés et s’avère riche en expérimentations formelles.

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